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Le Grand Jihad

Soufisme et Islam populaire en Egypte

L’islam est souvent perçu comme la religion de l’épée où l’effort sacré dans la voie de Dieu, jihad, fait naturellement partie de la révélation divine. Face à l’horreur qui accompagne la notion de jihad de certains fondamentalistes et extrémistes armés, on ignore parfois que l’islam privilégie l’effort de purification personnelle. “ Le combattant dans la voie de Dieu est celui qui lutte contre son ego “ disait Mahomet. Ce combat est vu comme le Grand Jihad ou jihad intérieur, qui trouve son expression dans la mystique musulmane, le soufisme.
Lecture ésotérique de l’Islam, imprégnée d’influences extérieures (Platonisme, Christianisme et parfois Chamanisme), le soufisme s’est organisé, dès le XIIème siècle, en confréries fidèles aux saints de l’islam. Dans chaque confrérie, un lien particulier unit les disciples au chef spirituel, le cheikh, qui s’attache à guider individuellement ses disciples la voie mystique par un choix judicieux d’exercices spirituels adapté à chacun. Il a le pouvoir de diffuser les bénédictions divines (baraka) qu’il tient du prophète Mahomet transmis à travers une chaîne initiatique.
Chez les Soufis, point de projet de société, mais une réforme de l’individu par la purification du cœur. Aux révolutions extérieures et brutales, le Soufi préfère la métamorphose par l’amour.
Dans nul autre pays du Moyen-Orient les confréries soufies sont aussi nombreuses et répandues qu’en Egypte. Naguère passage obligé de tout parcours religieux, le soufisme a subit l’assaut des réformistes musulmans et de l’islam orthodoxe. A l’heure actuelle, l’univers du soufisme populaire est généralement perçu comme une “sous-culture”. Si dix pour cent des Egyptiens avouent être affiliés à un ordre confrérique, en réalité le soufisme continue à imprégner les rites majeurs de l’existence de grand nombre d’Egyptiens.

Chaque année, venant de toute l’Egypte à des dates précises, des milliers de pèlerins répondent à l’appel des Saints. A l’occasion du mouled, commémoration de la naissance du Saint, les pèlerins visiteront son tombeau. Pour tenter de capter sa lumière et ses grâces, à proximité du sanctuaire, le culte s’entretient comme un dialogue direct, intime, intérieur avec le Saint. Sous la bannière de leur confrérie, les membres vont passer plus d’une semaine à proximité du sanctuaire. Pour les grands mouleds, plus de deux millions de personnes se déplacent pour ce moment d’exception ou le souvenir du Saint, du Prophète et de Dieu, se fait dans un festival de lumières et de jeux, dans une cacophonie chère aux Egyptiens. “ Mouled “ veut dire chaos en langage de la rue.

A la tombée de la nuit, après la prière du soir, les fidèles se réunissent dans les tentes des confréries pour pratiquer le dhikr: nus-pieds, les chaussure posées en milieu de natte, les disciples s’alignent; des prières et louanges sont prononcées, les noms de Dieu sont répétés dans un souffle commun, cadencé par le chant d’amour d’un chanteur soufi. Le Souvenir de Dieu, dans la répétition de Ses noms purifient l’âme et la préparent à recevoir la présence divine.
De chaque assemblée, s’élève un chant d’amour absolu pour Allah. Les corps s’élancent, se balancent, puis s’agitent frénétiquement. Douleur, violence, effacement, joie, béatitude, le pèlerinage intérieur culmine dans l’extase de la fusion avec Dieu. Et la transe survient...

Pour les pèlerins, la baraka du saint atteint son apogée lors de la Grande Nuit ou leïla kebira. L’excitation est alors à son comble. Il faut tenter de rapporter avec soi des fragments de baraka. S’approcher, toucher, s’agripper au sanctuaire, et dormir dans son voisinage, à l’intérieur de la mosquée, devient une obsession.

Le lendemain la fête s’éteint et les pèlerins quittent les lieux comme des orphelins…
… c’est alors que l’on entend, ailleurs, l’appel d’un autre Saint.  

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